Aprés que soledad est recommandé de regarder "Bataille à Seattle", je me suis renseignez est j'ai trouvé un point de vue très interressant de l'altermondialiste que nous sommes tous au fond, je trouve la critique de ce film très encouragente :
LeDevoir.com
OPINION
La «Bataille de Seattle», cinq ans déjà
Francis Dupuis-Déri, Chercheur au département de science politique et au Centre de recherche en éthique de l'université de Montréal (CRÉUM) et auteur des Black Blocs (Éd. Lux, 2003).
Édition du lundi 29 novembre 2004
Mots clés : seattle
Ensemble contre le déficit démocratique
30 novembre 1999, à Seattle. Des milliers de militants se sont levés avec le soleil pour encercler le centre des congrès où devait débuter une réunion de l'Organisation mondiale du commerce, qu'ils réussiront à perturber pendant des heures.
Subissant la pression directement de la Maison-Blanche agacée par cette agitation qui menaçait la sécurité de personnalités comme Bill Clinton, la police utilisera la violence -- gaz lacrymogène, poivre de Cayenne, balles de caoutchouc, matraques -- contre ces militants non violents pour tenter de dégager des accès, avec un résultat prévisible: montée de colère et d'indignation chez les militants, rejoints par des milliers d'autres manifestants, puis début de bousculade et de riposte par certains, et enfin, deux jours de confrontation.
Cinq ans plus tard, et suite à des manifestations spectaculaires à Québec, Gênes et ailleurs, le mouvement semble s'être lentement essoufflé, voire dégonflé. Après un sursaut en apparence un peu inutile pour protester par millions contre la guerre en Irak, le «mouvement des mouvements», comme l'appelleront certains pour souligner sa nature hétérogène, serait-il déjà de l'histoire ancienne?
Existence médiatique et réalité
Il faut éviter de confondre l'existence médiatique d'un mouvement social avec son déploiement réel. Les militants les plus actifs sont engagés au quotidien sur divers fronts de lutte et d'axes de solidarité, les manifestations n'étant qu'une occasion particulière de se faire voir et entendre dans l'espace public.
D'ailleurs, le mouvement des mouvements prend racine bien avant Seattle. Dès les années 1980, par exemple, des gens s'organisent au Brésil et en Inde pour contester la Banque mondiale qui finance de grands projets de barrages hydroélectriques. Des manifestations ont déjà lieu en septembre 1988, à Berlin Ouest, contre une réunion du Fonds monétaire international.
Le 1er janvier 1994, soit cinq ans avant Seattle, ce sont les zapatistes qui se soulèvent au Chiapas, au Mexique, pour contester -- entre autres choses -- la mondialisation et l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) qui menace leurs organisations communautaires locales. Les zapatistes inspirent la création en 1998 de l'Action mondiale des peuples, qui manifestera à Genève contre le 50e anniversaire de l'OMC (ex-GATT). [...]
Au Québec, quatre ans avant Seattle, la Marche du Pain et des Roses des féministes québécoises est un succès tel en termes de mobilisation que les féministes décident d'organiser la Marche mondiale des femmes en 2000. [...] L'Opération SalAMI, qui pratique la désobéissance civile et lutte contre l'Accord multilatéral d'investissement (AMI), est lancée en 1998. Plusieurs de ses participants se joindront, dans les années qui suivent, à d'autres groupes militants [...].
Un mouvement délibératif et égalitaire
Le mouvement des mouvements continue d'exister aujourd'hui, même si ses manifestations sont moins spectaculaires, en raison -- entre autres choses -- de la répression policière brutale et de la tactique de dérobade, les élites organisant maintenant leurs grands sommets dans des lieux isolés, au coeur de montagnes, dans un désert, sur une île...
Mais le risque d'essoufflement n'est-il pas inévitable, demandent de nombreux critiques, pour un mouvement qui regroupe trop de causes et qui exprime trop de revendications, dans une sorte de joyeuse cacophonie?
Il est vrai que le mouvement reproche tout à la fois à la mondialisation d'aggraver les injustices économiques, biologiques (pollution et privatisation du vivant) et culturelles (mondialisation rime avec américanisation). [...] Mais reprocher la pluralité de voix à un mouvement transnational de mouvements sociaux qui convergent pour critiquer les injustices qu'engendre la mondialisation économique, c'est comme reprocher au cercle de ne pas être carré.
Il faut aussi constater qu'avant tout le mouvement critique le déficit démocratique qui caractérise le processus de mondialisation de l'économique libérale, orchestré par des institutions souvent peu ou pas démocratiques, ni représentatives des personnes et des communautés qui seront affectées directement par leurs décisions. [...]
L'exigence démocratique constitue l'intérêt fondamental et l'épine dorsale du mouvement des mouvements. Elle propose une façon plus délibérative, plus égalitaire et plus libertaire de penser et de vivre la démocratie et la participation citoyenne. C'est cette proposition que le mouvement expérimente concrètement dans son organisation, dans ses manifestations et ses grands forums sociaux, dans ses réseaux de médias alternatifs, dans des lieux autogérés [...].
Bien sûr, les militants et militantes ne s'entendent pas sur un modèle «parfait», car il n'y a pas de perfection en politique. Mais ils testent leurs idéaux démocratiques dans l'action, dans les rencontres internationales virtuelles ou face à face, et tentent d'en améliorer les modalités d'application.
Au-delà d'une apparente cacophonie et souvent loin des caméras, ce mouvement parle donc de démocratie. Il mérite qu'on l'écoute et l'observe, du moins pour réfléchir de façon critique à la légitimité ou non de nos institutions officielles qui se targuent d'être «démocratiques», et aux possibilités démocratiques qui résident dans le «peuple», dans cette multitude, dont nous faisons partie.
Qu'en pensez vous ?