[A écouter absolument!] Récit d'une descente de police dans un lycée du Gers… Le témoignage du professeur a été diffusé sur France inter.
Récit d'une descente de police dans un lycée du Gers… Le témoignage du
professeur a été diffusé sur France inter. A écouter absolument:
https://www.dailymotion.com/video/k27ZAJpJckkL90RgPZ
"Je fais cours quand, tout à coup, sans prévenir, font irruption dans le
lieu clos de mon travail quatre gendarmes décidés, accompagnés d’un
maître-chien affublé de son animal. Personne ne dit bonjour, personne ne se
présente. Sans préambule, le chien est lancé à travers la classe. Les
élèves sont extrêmement surpris. Je pose des questions aux intrus, demande
comment une telle démarche en ce lieu est possible. On ne me répond pas,
j’insiste, on me fait comprendre qu’il vaut mieux que je me taise.
Les
jeunes sont choqués, l’ambiance est lourde, menaçante, j’ouvre une
fenêtre qu’un gendarme, sans rien dire, referme immédiatement,
péremptoirement. Le chien court partout, mord le sac d’un jeune à qui l’on
demande de sortir, le chien bave sur les jambes d’un autre terrorisé, sur des
casquettes, sur des vêtements. La bête semble détecter un produit suspect
dans une poche, et là encore on demande à l’élève de sortir. Je veux
intervenir une nouvelle fois, on m’impose le silence. Des sacs sont vidés
dans le couloir, on fait ouvrir les portefeuilles, des allusions d’une ironie
douteuse fusent. Ces intrusions auront lieu dans plus de dix classes et dureront
plus d’une heure. Une trentaine d’élèves suspects sont envoyés dans une
salle pour compléter la fouille. Certains sont obligés de se déchausser et
d’enlever leurs chaussettes, l’un d’eux se retrouve en caleçon. Parmi
les
jeunes, il y a des mineurs. Dans une classe de BTS, le chien fait voler un sac,
l’élève en ressort un ordinateur endommagé, on lui dit en riant qu’il
peut toujours porter plainte. Ailleurs (atelier de menuiserie-charpente), on
aligne les élèves devant le tableau. Aux dires des jeunes et du prof, le
maître-chien lance : « Si vous bougez, il vous bouffe une artère et vous vous
retrouvez à l’hosto ! » Il y a des allées et venues incessantes dans les
couloirs, une grande agitation, je vois un gendarme en poste devant les classes.
J’apprendrais par la suite qu’aucun événement particulier dans
l’établissement ne justifiait une telle descente. La stupeur, l’effroi ont
gagné les élèves. On leur dira le lendemain, dans les jours qui suivent
qu’ils dramatisent.
Ils m’interrogent une fois la troupe partie, je ne sais que dire, je reste
sans voix. Aucune explication de la direction
pour le moins très complaisante.
Je comprends comment des gens ont pu jadis se laisser rafler et conduire à
l’abattoir sans réagir : l’effet surprise laisse sans voix, l’effet
surprise, indispensable pour mener à bien une action efficace, scie les jambes.
Ensuite, dans la journée, je m’étonne de ne lire l’indignation que sur le
visage de quelques collègues. On se sent un peu seul au bout du compte.
Certains ont même trouvé l’intervention normale, d’autres souhaitable. Je
me dis qu’en cinquante ans (dont vingt comme prof), je n’ai jamais vu ça.
Que les choses empirent ces derniers temps, que des territoires jusque là
protégés subissent l’assaut d’une idéologie dure. Ce qui m’a frappé,
au-delà de l’aspect légal ou illégal de la démarche, c’est l’attitude
des gendarmes : impolis, désagréables, menaçants, ironiques, agressifs,
méprisants, sortant d’une classe de BTS
froid-climatisation en disant : «
Salut les filles ! » alors que, bien sûr il n’y a que des garçons, les
félicitant d’avoir bien « caché leur came et abusé leur chien ». A vrai
dire des marlous, de vrais durs n’auraient pas agi autrement. C’est en
France, dans une école, en 2008. Je me dis que ces gens-là, les gendarmes,
devraient accompagner les gens, les soutenir, qu’ils devraient être des
guides lucides et conscients. Au lieu de ça, investis d’un drôle de pouvoir,
ils débarquent, on dirait des cow-boys, et terrorisent les jeunes."
Un professeur qui ne manque jamais de faire contre la drogue une prévention
qu’il juge intelligente.
Sources: France inter - pour écouter le témoignage:
https://www.dailymotion.com/video/k27ZAJpJckkL90RgPZ