Depuis huit ans des artistes, militants, être humains en tous genre utilisent la friche RVI comme lieu de création d'expérimentation artistique, culturelle mais aussi sociale et politique.
Ce qui s'est passé ici depuis ces huit années n'est pas résumable à un chiffre d'affaire, une évaluation comptable, administrative ni même à un slogan politique... Ce qui se passe ici est trop riche pour être résumé ou même retransmis dans sa totalité. Ceux qui ont vécu cette expérience dans la longueur ou de passage peuvent en témoigner.
Un lieu comme la friche est un espace de liberté comme notre société en fait de moins en moins, et pourtant un espace de liberté comme elle en a cruellement besoin, étouffée par ses normes, ses conformismes, ses restrictions de liberté réelles ou celles de l'imagination, de l'originalité, de la vie elle-même enfermée dans la publicité, la consommation, la logique marchande et le travail aliénant...
La friche est un de ces lieux où l'on peut à nouveau se sentir exister, vivant, libre, où s'ouvrent à nouveau tout un tas de possibles que la société actuelle cherche en permanence à refermer.
Ces possibles c'est l'autogestion, c'est la création libre, c'est la rencontre avec autrui, l'émerveillement, la découverte, la réappropriation des usages, de son temps et de tout un tas d'autres choses, habituellement contrôlées et agencées par la société actuelle pour entrer dans la logique de la consommation et de la marchandise...
La friche c'est un lieu où ceux qui y sont passés, ont pû se réapproprier, réinventer leur vie, leur façon de créer, leur espace, l'espace de quelques années, sur des bases de liberté d'exister, de créer...
La friche, c'est un lieu où travailler rime avec créer et la réappropriation des usages, de ses propres pratiques désaliénées des logiques managériales, et des dérives de la société capitaliste et hiérarchique...
La friche c'est l'embryon de ce que pourrait être une société d'émancipation, bien sûr pas parfaite, bien sûr pas achevée (Mais est-ce que cela existe ?), mais en devenir, qui se cherche, erre, tâtonne, et trouve, morceau par morceau, des bases pour exister, vivre créer, s'organiser ensemble et individuellement autrement...
Nous avons crée cette friche avec les morceaux de notre monde, de notre société, même ceux que l'on ne voulait pas ou plus, et nous avons dû faire avec, les subir parfois, et essayer de les transformer, parfois avec succès, comme des apprentis alchimistes, de la transformation sociale, artistique, culturelle et politique...
Nous avons découvert que l'autogestion ne va pas de soi, demande de l'investissement, des apprentissages, des tâtonnements, des désillusions parfois, mais cela apporte une liberté, une indépendance qui apportent, enrichissent énormément...
Cette indépendance, cette capacité à s'autogérer, à apprendre, à prendre en main son destin, individuellement et collectivement, est un apprentissage, et cet apprentissage est précieux. Ce que nous avons appris à faire ici est précieux et se transmet à chaque nouvelle vague de frichards.
Cette capacité à prendre en main son destin est une valeur du futur...
L'avenir est à l'émancipation des populations à l'égard de leurs maitres, de ceux qui prétendent vouloir tirer les ficelles et tout contrôler, ainsi que toutes les logiques invisibles qui nous aliènent...
L'histoire montre cette lente marche vers l'émancipation...avec des allers et retours... L'histoire de la friche est une tentative d'émancipation collective à travers des parcours individuels et des dynamiques collectives d'apprentissage à gérer ensemble cette grande friche.
La friche est une utopie réelle, concrète avec ses côtés clairs et ses côté sombres...
Certes la friche n'est pas un monde parfait, on peut lui faire de nombreuses critiques, et d'ailleurs ces critiques et autocritiques n'ont pas manqué à l'intérieur même de la friche, car il y a eu beaucoup de désaccords entre "frichards" tout au long de cette aventure...
Ce qui s'est vécu, créé, inventé à la friche doit profiter au reste de la société, et ce que nous y développons, nous aimerions le transmettre et le donner à vivre aux personnes de ce quartier, de cette ville et d'ailleurs...
Voilà pourquoi la friche et ce qu'il s'y passe dérange, ce qui s'y passe n'est pas un processus contrôlable, c'est un processus de la vie qui cherche à retrouver le chemin naturel de son épanouissement...
Aujourd'hui la friche RVI s'est transformée de fond en comble jusqu'à ressembler à un incroyable village abritant militants, artistes, dissidents et autres rêveurs de toute sorte
Aujourd'hui la mairie tente d'expulser ce lieu unique même si il faut pour ça rompre les conventions établies et ne faire peu de cas de leur propre législation
Le Grand Lyon possède un parc immobilier vacant immense. Ils ont la capacité de reloger 12 friches sans difficultés.
Pour autant ils ne proposent qu'un bâtiment de 3500 m². Bâtiment qui, publiquement, servira d'alibi face à l'opinion et qui, réellement, relève de l'absurdité.
Cette volonté de disperser et de dissoudre la force de la Friche RVI est assez simple à comprendre :
Nous ne voulons pas être rentables et, en cela, nous ne pouvons en aucun cas satisfaire les ambitions individuelles des acteurs de cette politique.
Plus profondément dans notre société actuelle, société de surveillance, société d'uniformisation, société d'hopitaux-prisons, de prisons pour mineurs, de prisons pour étrangers, etc... « Leur » culture ne doit être qu'un divertissement marchand et rien d'autre.
Toute forme d'intervention ou de création qui parle de sentiments, de sensations, d'espaces, de temps, de son, d'humour, d'images, etc... n'ont pas intérêt a s'aventurer imprudemment sur un plan social et politique.
Volontairement ou non, nos pratiques déstabilisent « leur » projet : celui de fabriquer des travailleurs responsables au service d'une élite.
C'est une attaque en règle contre nos pratiques, nos modes de vie et nos espoirs.
On ne peut pas dissocier cette annonce de dernière minute de la politique actuelle d'aseptisation de la ville (la gentrification des dernières « zones sensibles » du centre-ville, les rafles de sans papiers et les expulsions express d'habitats squattés)
Quelle vérité se cache derrière ce projet de délocalisation dans la périphérie lointaine, si ce n'est de bouter hors de la cité des indésirables crève la faim?
Les élus évoquent, sans aucune garantie, la multiplication des « sites de stockage » éloignés des uns des autres et sous-entendent, au détour d'une phrase, leur volonté d'assigner l'espace à chaque type de pratique : Autrement dit, tout le monde reste dans sa case, on ne mélange pas les torchons avec les serviettes.
Par la négation de l'interdisciplinarité, il y a la volonté de mettre en place un cloisonnement des pratiques pour revenir à la seule vision de l'art tolérée par le pouvoir : celle d'une expression individuelle à but marchand.
« Qu'on garde les artistes qui produisent et qu'on se débarrasse des autres ! » déclare Thierry Philipp, maire du 3ème arrondissement à la presse.
Comment quantifier la productivité artistique si ce n'est en terme de rentabilité économique ?
La mairie tombe enfin le masque en donnant cette vision de l'artiste comme producteur de richesse avant d'être « faiseur d'art ».
En d'autres temps, le pouvoir brûlait publiquement les œuvres jugées subversives. Aujourd'hui, la méthode est à peine plus subtile : on bétonne, on démolit à coup de pelleteuse et on délocalise dans un placard à balai les bons élèves où ils finiront tranquillement leur processus de soumission déjà bien entamé, et on expulse la plèbe au fond du caniveau.
« Quand on vient sans projet, ça s'appelle squatter ! » nous dit encore Thierry.
Loupé camarade, squatter c'est déjà un projet à part entière !
Mais pour les élus, le bénéfice est double : on se donne la caution de mécène au grand cœur en relogeant une partie du projet, et on se garantit au retour les espèces sonnantes et trébuchantes des artistes professionnels, responsables et fréquentables.
En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas dans une situation de discussion ou de dialogue puisque si ils voulaient nous écouter ils proposeraient des choses moins insultantes pour permettre de continuer ce qu'est la Friche RVI.
Il est donc inutile de se placer dans "leur" demande ou dans "leur" offre.
Nous proposons plutôt de dire et de tenir le fait que nous ne partirons pas. Notre force étant une capacité d'organisation collective, notre immense réseau de connaissances, la puissance de nos imaginaires.
Si, après ça, la triste preuve est faite qu'il nous est impossible de conserver un espace physique dans notre ville alors nous inventerons d'autres manières de faire exister ce que nous sommes.
La Friche RVI a été acquise par la lutte,...... pour la garder...... seule la lutte payera !!!
Restez à l'écoute, l'expulsion est prévue pour le 31 Juillet, des actions restent à prévoir....
Il nous faut pas mal de présence sur le lieu vers la fin du mois de Juillet (l'objectif est d'atteindre au moins 1000 personnes dans la friche de manière permanente au 31 Juillet)
Gavroche